Catherine est greffée du Rein
On peut être volontaire pour donner, puis avoir besoin de recevoir. Catherine avait sa carte de donneur depuis longtemps, et elle a du être greffée.
J’ai été transplantée du rein à l’âge de 31 ans et j’ai aujourd’hui 38 ans. Je suis tombée malade à l’âge de 11 ans. J’ai donc passé mon enfance et mon adolescence dans les hôpitaux. J’avais une maladie auto-immune qui n’a encore aujourd’hui aucun nom et qui, par la suite, a engendré une autre pathologie qui m’a conduite à l’insuffisance rénale.
J’ai donc évolué dans un milieu très médicalisé ; toute mon adolescence a été baignée dans le monde des grands malades, si bien que j’ai été sensibilisée très tôt à toute cette souffrance. C’est pour cela que, vers 15-16 ans, bien avant de savoir que j’allais être receveuse, j’avais déjà pris la décision de devenir donneuse d’organes parce que j’avais vu bon nombre de personnes en souffrance qui auraient peut être pu être soulagées par un don de sang, un don de moelle ou un don d’organes. J’avais alors pris ma carte de donneur dans une pharmacie. Je trouvais formidable qu’on puisse faire quelque chose pour les autres une fois disparue.
Mais l’histoire a voulu qu’il en soit autrement et que ce soit moi qui bénéficie du don d’organes.
Lorsque j’ai appris qu’un jour j’aurais besoin d’une transplantation, je n’ai pas pensé qu’il serait compliqué d’obtenir un greffon, supposant que, comme moi, tout le monde devait y avoir pensé. Or, j’ai bien vite compris que ce n’était pas le cas, que le cheminement est beaucoup plus compliqué que cela dans la tête des gens puisque, quand on est en bonne santé, on ne pense pas forcément à ce genre de choses.
Avant la transplantation, j’ai été dialysée pendant neuf mois, ce qui constitue un temps très court par rapport à la moyenne. Bien sûr, ce n’est pas facile à vivre, même sur une courte période, mais je m’étais bien préparée psychologiquement, puisque ce n’était pas arrivé du jour au lendemain. Pendant sept ans, je m’étais résignée à ce qu’un jour mes reins ne fonctionnent plus du tout, ce qui amène inexorablement à la dialyse.
Ma maladie a également bouleversé mes études supérieures. Quand j’étais hospitalisée, adolescente, j’allais à l’école à l’hôpital et je n’ai pas pris spécialement de retard dans ma scolarité : j’ai obtenu mon baccalauréat à 18 ans.
Après le baccalauréat, je me suis inscrite en faculté de pharmacie, mais le rythme de travail à l’université est incomparable avec celui du lycée, si bien que mes problèmes de santé ne m’ont pas permis de travailler autant qu’il aurait fallu. Donc, à la fac, j’ai été complètement perdue, ce qui fait que j’ai dû me ré-orienter vers une école de préparateur en pharmacie. C’est juste après avoir obtenu mon diplôme que la maladie a repris le dessus. J’ai été orientée sur Paris en urgence, parce que j’arrivais au stade terminal de l’insuffisance rénale, ce qui nécessitait un abord vasculaire en vue d’une dialyse imminente. Puis c’est sur limoges que j’ai été dialysée. Je travaillais, il a donc fallu que j’adapte mon rythme de travail à la maladie. Normalement, il faut faire trois séances de dialyse par semaine, pendant trois à quatre heures.
Cependant, non seulement les matins où j’étais dialysée je ne pouvais pas travailler, mais en plus, les après-midi j’étais fatiguée, ce qui fait qu’en général je ne travaillais pas non plus, il fallait que je me repose. Et tout ça, pour quelqu’un qui a trente ans, ce n’est pas facile à vivre. Par exemple, quand je partais en vacances, il fallait que je trouve un centre de dialyse, donc, les vacances étaient quand même un peu amputées par tout cela. C’était vraiment une prison pour moi. Le corps vieillit prématurément, parce que la dialyse n’épure pas le sang comme le fait le rein. Donc, c’est un ras-le-bol qui fait que l’on n’a plus envie d’aller en dialyse, parce, psychologiquement et physiquement, c’est très lourd : cela coupe du monde extérieur, et tous les jours cela nous rappelle que l’on est malade ; tous les jours, on se dit « je ne suis pas comme les autres « . J’ai mis six mois pour m’adapter, j’avais du mal à le supporter.
Par conséquent, je ne voyais qu’une issue possible à tout cela : la transplantation.
Entre temps, je m’étais renseignée, et je savais que la moyenne d’attente pour un greffon était d’au moins un an, je me disais qu’après je retrouverais une vie normale, et j’ai donc pris mon mal en patience.
Pour être mis sur la liste d’attente de transplantation, il faut être sain de la tête aux pieds. Par exemple, me concernant, j’avais des dents de sagesse qui n’avaient pas été enlevées et, comme c’est un facteur d’infection, il a fallu que je me les fasse retirer.
Je voudrais insister sur le fait que je comprends les gens qui sont dans la peine d’avoir perdu un proche et, le premier réflexe est de refuser le don d’organes. Il ne faut pas juger les gens qui ont refusé le don d’organes parce que c’est un Non viscéral, un Non qui n’est pas réfléchi.
Pour moi, c’était un acte mûrement réfléchi, je voulais absolument être transplantée et, malgré cela, le jour où j’ai été appelée, j’avais prévu complètement autre chose. Mon premier réflexe fut de dire « non pas aujourd’hui ! » De surcroît, c’est l’inconnu, on ne sait pas ce qui va arriver. En effet, quand j’ai signé le papier sur lequel j’acceptais d’être receveuse d’organes, c’était de l’abstrait. Et ce n’est que le jour où j’ai été appelée que c’est devenu réellement concret, pendant deux secondes, j’ai eu un recul. Mais évidemment, je n’ai pas fait part de tous mes états d’âme au médecin qui m’a appelé. A l’hôpital, ils n’avaient jamais vu une future transplantée aussi stressée. J’ai eu une dernière dialyse pour que mon organisme soit bien épuré et que le rein transplanté n’ait pas un gros travail à faire d’emblée. Et, pendant toute ma dernière dialyse, j’ai pleuré. J’ai pleuré comme s’il allait m’arriver quelque chose d’horrible, alors que c’était quelque chose de merveilleux, quelque chose que j’attendais plus que tout, c’est un cadeau inestimable. J’étais super stressée parce que cela me replongeait dans l’hôpital, dans la maladie, à cause de mon passé.
En ce qui concerne mon donneur, je n’y pense pas tous les jours, mais quand le mois d’août arrive et que c’est la date anniversaire de ma transplantation, je me dis que ce jour-là, cela fait tant d’années que j’ai été transplantée, mais je me dis aussi que la famille du donneur a perdu cette personne il y a le même nombre d’années. J’y pense effectivement, mais dans ma vie de tous les jours, c’est maintenant une chose qui est acquise, alors qu’au départ, j’y pensais fréquemment.
Donc, au bout d’un an, lorsque tous mes soucis annexes à la greffe furent réglés et comme le rein transplanté a immédiatement bien fonctionné, tout s’est très bien passé. Petit à petit, j’ai remonté la pente. Ce qui a été merveilleux, c’est que j’ai toujours été très bien entourée : ma famille m’a énormément soutenue, ce qui m’a permis de franchir toutes les étapes, sans encombre. Si, au début le traitement anti-rejet m’est apparu comme quelque chose de lourd, maintenant, je pense vaguement à ma maladie, lorsque deux fois par jour je prends mon traitement. Je profite vraiment de l’instant présent. Quand je me lève le matin et que je n’ai mal nulle part et suis en pleine forme, je me dis que cela est formidable. Lorsque je vais un petit peu moins bien, je relativise et je me dis que cela ira mieux demain. Mariée depuis peu, je peux maintenant avoir des enfants, chose qui est impossible lorsqu’on est dialysée, et cela est très important pour les femmes transplantées.
Je suis aussi bénévole au sein de l’ADOT. Participer aux activités de cette association me permet de rencontrer d’autres transplantés, d’avoir de nombreux contacts avec l’extérieur, ce que j’adore. En effet, je ne supporterais pas, lorsque je ne travaille pas, de rester enfermée chez moi et de ne voir personne. J’ai un besoin de vivre à fond maintenant.
Catherine – ADOT 87
Revenir sur : Temoignages