Donner son corps à la science : comment faire son deuil ?
Le don du corps à la science
Chaque année, 2 500 corps sont donnés à la science.
Dans les 24 heures suivant le décès, le corps est transféré. Suivent de longs mois avant que la dépouille ne soit déposée dans le lieu de recueillement. Comment alors faire son deuil ?
Telle est la question à laquelle la Fondation Services Funéraires de Paris a tenté de répondre.
Tous les étudiants en médecine y passent, en TP d’anatomie. Une étape obligée pour découvrir, scalpel à la main, les subtilités anatomiques de l’être humain. Tandis que certains observent une minute de silence, d’autres se déchargent de toute solennité.
Pourtant, « ce n’est pas rien » indique Catherine LE GRAND-SEBILLE, socio-anthropologue en charge de l’étude nationale sur la ritualité funéraire dans le cas des dons du corps. Car ces dépouilles ont une histoire. Celle-ci a-t-elle été respectée ? Pas toujours, observe la chercheuse en sociologie.
Elle a ainsi constaté une hétérogénéité des pratiques, plutôt marquée par un manque de ritualité. La faute, selon elle, a « un silence social » qui voile le devenir des corps donnés à la science.
Il aurait pour conséquence de nuire au deuil des proches des donateurs.
Il est question quasiment d’effacement du corps dans le processus, soumis à de multiples contraintes : délai chronométré avant le transfert du corps, manque de traçabilité et à cet égard d’interlocuteur, longue attente avant la crémation, etc…
Le deuil des proches
Selon l’étude, les proches des donateurs soulèvent des difficultés majeures :
– Le rassemblement de la famille et des proches avant le transfert du corps,
– L’attente liée à la restitution des cendres,
– L’impossibilité de mettre en place un rite funéraire sans support matériel.
Bien des interrogations mais peu de réponses. Car le don du corps demeure assez peu répandu voire admis. Cela représente 0,5% des décès enregistrés.
Sur les 28 centres de dons du corps, seulement six acceptent de restituer les cendres à la famille.
Et sur ces six centres, deux ne les remettent qu’à la demande expresse de la famille. Pourquoi ?
Du fait des résistances des professionnels, en partie.
L’Etude de la Fondation en a soulevé quelques-unes, avec une part belle donnée aux idées fausses.
Avec en premier lieu, la soi-disant impossibilité juridique de restituer les cendres du fait de l’anonymisation des corps. Quant aux professionnels qui invoquent la difficulté pour les proches de revivre le deuil à la restitution des cendres, Catherine LE GRAND-SEBILLE rétorque « ce qui est difficile, c’est l’absence de cérémonie, et l’absence potentielle de lieux de recueillement ».
Sans restitution, le délai avant la dispersion des cendres peut atteindre un an.
C’est un moment crucial dont « la dimension cérémoniale est appréciée par les proches », précise l’étude.
Il faut ouvrir une réflexion sur le deuil des familles concernées, jusqu’à maintenant confiné au silence.
La Fondation Services Funéraires a élaboré un document d’information et mis en place deux cérémonies annuelles au crématorium de Paris.
Au-delà de permettre aux familles de vivre un rite de séparation symbolique, il s’agit aussi de saluer la mémoire des donateurs. Une stèle s’élève ainsi dans le cimetière parisien de Thiais.
Source : Le Quotidien du Médecin – Janvier 2015
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