Leucodystrophies et Don de Moelle Osseuse
Mai 2005. Les cellules de moelle osseuse s’écoulent doucement dans la perfusion : ça y est c’est enfin la greffe, après 10 jours d’une chimiothérapie très éprouvante.
Pierre a 13 ans, il est atteint d’une forme sévère d’adrénoleucodystrophie qui s’est déclarée 6 mois auparavant. Heureusement, le hasard a fait que nous savions qu’il était porteur de cette maladie orpheline du système nerveux : il était suivi depuis 5 ans par le Professeur AUBOURG, l’un des plus grands spécialistes mondiaux de cette maladie, découvreur du gène responsable en 1992.
En presque 15 ans, quelques dizaines d’enfants dans le monde, atteints de cette forme de leucodystrophie, ont pu bénéficier d’une greffe de moelle osseuse, seule solution thérapeutique efficace permettant d’en arrêter la progression. Pour les autres formes de leucodystrophies, il n’existe toujours pas de traitement, même si des essais sont prometteurs.
Cependant, plusieurs obstacles se dressent.
Il s’agit tout d’abord de repérer le risque très en amont : le patient peut être porteur du défaut génétique pendant plusieurs années, voire toute sa vie durant, sans que la maladie ne se déclenche. Le plus souvent, elle est identifiée soit parce qu’un parent proche tombe malade, soit par des symptômes démontrant une atteinte avancée de la myéline, avec des pertes d’équilibre ou des douleurs musculaires, notamment.
Or, la forme sévère d’adrénoleucodystrophie présente comme caractéristique un début de maladie lent, qui s’accélère de plus en plus au fil des mois, jusqu’à une perte totale de motricité en 2 ou 3 ans. Quand les dégâts neurologiques deviennent apparents, la maladie est déjà avancée, et donc en phase d’accélération.
Parallèlement, les effets de la greffe de moelle osseuse ne se font sentir qu’après 20 à 24 mois. Et pendant cette période, la maladie continue de progresser, détruisant le système nerveux, sans aucune possibilité de réparation.
Quand la maladie est découverte tardivement, les effets d’une greffe peuvent donc être nuls, rendant inutile l’intervention.
En second lieu, la décision de greffe est semblable à un chronomètre lançant une course contre la montre et pour la vie : il est vital de trouver au plus vite un donneur dont la compatibilité HLA soit élevée.
En ce qui concerne Pierre, cette recherche a duré près de 4 mois avant qu’elle n’aboutisse, en Grande-Bretagne. Peu de temps après, Arthur, un jeune normand, a bénéficié, lui, d’un don venant des Etats-Unis.
Le manque de donneurs de moelle osseuse est, pour cette pathologie, mortelle.
Depuis le milieu des années 90, le Professeur AUBOURG travaille donc à mettre au point une thérapie génique destinée d’une part à sécuriser la greffe et d’autre part à pallier la pénurie.
Deux chercheurs de l’INSERM, exerçant à l’hôpital Bicêtre, le professeur Patrick AUBOURG directeur de l’UMR S745 et Nathalie CARTIER qui dirige les équipes de recherche sur les biothérapies ont choisi la voie de l’autogreffe combinée à la thérapie génique chez des enfants pour lesquels, faute de donneur, on ne pouvait pas tenter de greffe de moelle osseuse classique.
Concrètement, les cellules souches de la moelle osseuse des patients ont été prélevées, puis corrigées génétiquement en laboratoire, avant d’être réinjectées aux patients.
Financée largement par l’Association européenne contre les leucodystrophies (ELA), cet essai a concerné 4 enfants, pour des résultats encourageants : chez tous, la maladie s’est arrêtée, laissant malheureusement chez 3 d’entre eux des séquelles.
Mais cette approche reste expérimentale et ne concerne que des enfants qui ne trouvent pas de donneurs de moelle osseuse.
La greffe à partir de donneurs reste donc le seul espoir pour la quasi totalité des malades : le combat pour la multiplication des dons est toujours d’une actualité brulante !
Hervé LUCAS, délégué régional de l’association ELA (herve.lucas@gmail.com)
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