Don d’Organes : pourquoi il faut se positionner de son vivant
Laëticia raconte comment elle a dû prendre position au décès de sa maman : un choix difficile, qui peut être évité.
Selon un adage, il y a dans le malheur une part de bonheur. Cependant, comment envisager de trouver sa part de bonheur lorsque le malheur qui nous frappe est la mort d’un être tellement aimé, sa propre mère ? Cette question je me la suis maintes fois posée… jusqu’au 28 avril 1999. La veille, Maman a été victime d’une rupture d’anévrisme. Tout est allé très vite. Lorsque je me suis rendue à son chevet, elle semblait dormir ; j’avais l’impression qu’elle allait se réveiller. Lorsque j’ai pris sa main, ses doigts se sont refermés sur les miens. Pour moi, elle vivait, et son état n’était pas aussi grave qu’on le disait !! Le corps médical m’a alors expliqué que son état, même si elle avait eu ce geste, était très critique. En effet, il s’agissait non d’un geste conscient mais d’un geste de décérébration. Ses chances de survie étaient minimes. Et pourtant, je ne voulais rien admettre, et encore moins sa mort.
Le lendemain matin, Papa et moi étions invités à nous rendre au service de réanimation. Avec beaucoup de délicatesse, le docteur nous a annoncé la mort cérébrale de Maman. A ce moment là, notre vie s’est effondrée.
Il est difficile de trouver les mots pour décrire la douleur qui nous submerge en quelques secondes et qui perdure des mois et des mois durant. C’est un mélange de désespoir, de colère contre la vie et la mort, d’injustice d’avoir perdu sa Maman. Nous nous retrouvions Papa et moi seuls, désarmés face à la mort ; elle semblait avoir gagné. Puis quelques instants après, le docteur et la coordinatrice nous ont demandé de réfléchir sur le don d’organes. Pour certains, cela peut être considéré comme abrupte… En effet, dans les minutes qui suivent un décès, nous sommes plongés dans une profonde tristesse ; presque égoïstement mais humainement on se referme sur notre propre malheur, tant le choc psychologique est intense. Pour guider notre réflexion sur un don d’organes, on nous a demandé de réfléchir sur ce que pensait Maman du don. Nous étions incapables d’y répondre. Nous avions parlé avec elle des différentes modalités des funérailles mais jamais du don d’organes. Pourtant il est très important de faire connaître sa volonté. Dans notre cas, il a fallu prendre la décision à sa place… ce qui est un cas de conscience lourd à gérer. Papa a eu besoin de renseignements sur les modalités, le protocole. Le corps médical l’a tout de suite rassuré, puis on nous a laissés seuls… Alors nous avons réfléchi… beaucoup réfléchi ; Maman aimait terriblement la vie, ses éclats de rire, sa générosité, son amour pour sa famille et ses amis le prouvaient. Nous nous sommes dit que l’on ne pouvait rien faire, elle s’était envolée. Parallèlement, il y avait à ce moment là des personnes en attente. Au nom de ce qu’était Maman, de ses valeurs, nous savions qu’il nous restait une dernière chose à faire ensemble ; c’est ainsi que nous avons accepté le don. Quelques jours après, on m’a informée que les reins, des tissus cardiaques (valves) et artères avaient été prélevés. L’émotion s’est emparée de moi ; des personnes avaient un petit bout de ma Maman. Maman avait réussi à permettre la vie, elle qui avait tant regretté de n’avoir eu qu’un enfant. Sa mort n’est pas restée vaine puisqu’elle a permis la vie, et en même temps de prolonger d’une autre manière ce qu’était sa vie. Son dernier geste fût l’un des plus beaux, si non le plus beau.
Si le donneur est un maillon primordial dans cette chaîne de solidarité, l’équipe médicale l’est d’autant plus, car la relation qu’il y aura entre elle et la famille du donneur potentiel conditionnera la décision. En cela, je ne remercierai jamais assez l’équipe médicale qui nous a entourés à ce moment là et bien après d’ailleurs, pour tout leur dévouement mais également pour nous avoir entraînés sur ce chemin formidable qu’est le don d’organes. Merci à vous.
Quant aux receveurs, ils occupent une place particulière, car depuis ils font partie de ma vie, de mon histoire. Dans ce deuil, ils représentent la vie. Ils sont tout simplement dans mon malheur ma part de bonheur…
A défaut de convaincre, j’espère que ce témoignage provoquera des discussions autour de vous. Si vous voulez autoriser le prélèvement d’organes après votre mort, dites le et glissez une carte de donneur dans votre portefeuille ; cela attestera de votre volonté et rendra la tâche moins pénible à vos proches.
Laëticia
Revenir sur : Temoignages