Lettre ouverte d’une jeune femme qui veut vivre encore …
J’avais 20 ans la dernière fois que j’ai ressenti ce désespoir.
“- C’est très très (…) grave, a-t-il déclaré d’un air solennel.
– Je vais…. Mourrir ?, ai-je alors balbutié.
– On en meurt jeune, Conclut-il.”
C’est sur ces mots que le cardiologue quitta la pièce en 2008 et que ma vie a basculé.
HTAP (Hypertension artérielle pulmonaire), 4 lettres qui ne signifient rien pour vous, mais c’est l’une de ces innombrables maladies qui vous tombent sur le coin du nez et remettent tout votre avenir en question …
J’étais dans la fleur de l’âge, je terminais de belles études de langues et je vivais à l’étranger. De belles perspectives professionnelles s’offraient à moi et j’avais des projets plein la tête. Ça faisait déjà une paire d’années que je sentais que quelque chose n’allait pas, mais jamais je n’aurais imaginé vivre grâce à quelqu’un d’autre… Moi aussi, j’ai fait partie des gens qui respirent sans vraiment y penser, moi aussi j’ai fait partie de ces gens qui croient que le don d’organes, ça n’arrive que dans les films, ou tout du moins que cela n’arrive qu’aux autres. Il a fallu que je tombe malade pour me rendre compte à quel point on est riche quand on a la santé …
Après avoir mis un nom sur le mal qui me rongeait, tous les traitements existants de l’époque ont été mis en place, en vain. En janvier 2009, j’étais sous 10 litres d’oxygène dans un hôpital parisien et l’on m’inscrivait sur la liste de Super Urgence pour une transplantation cœur/poumons. Je me souviens comme si c’était hier de ces 48 heures d’attente interminables où j’essayais de faire bonne figure devant mes parents. Je me souviens de la culpabilité aussi … Je me souviens d’avoir pensé être un monstre, à prier pour que quelqu’un meure pour que j’ai la chance de vivre encore…
Parfois, quand on souffre trop, on n’est plus totalement soi et c’est la douleur qui parle. Celui ou celle qui n’a pas atteint cette souffrance, qui fait que tout le corps devient douloureux, que l’on cherche l’air au moindre mouvement jusqu’à en arriver au point où l’on souhaite juste que ça s’arrête, quelle qu’en soit l’issue, ne peut comprendre.
Dans mon malheur à l’époque, j’ai eu la chance d’avoir un cœur et des poumons à temps. L’opération et ses suites ont été dures, mais ce cadeau m’a permis de vivre plus de 7 ans, soit 2687 jours supplémentaires. Oui, je connais le nombre de jours que cette personne et sa famille m’ont offert, car j’ai chéri chacun d’entre eux…
Je devais me marier en Septembre de cette année. J’ai 28 ans et cela fait deux ans que mon fiancé et moi préparions cet évènement. Il semblerait qu’une fois de plus, la maladie en ait décidé autrement. Je suis malheureusement à nouveau en attente de poumons.
Cette fois, je suis sur la liste standard. Cela veut dire que je peux attendre des jours, des mois, des années. Dans ces cas, ce sont les heures que l’on compte, voire les minutes. Minutes à suffoquer, heures qui passent à sentir ses forces nous abandonner… Je n’ai pas peur de re-subir cette lourde opération. J’ai peur à l’idée qu’il n’y ait pas de greffon à temps, peur de ne pas tenir jusqu’à cet appel. Je n’ai plus le souffle ou la force ni de rire, ni de pleurer, ni même parfois de parler ou de faire trois ou quatre pas. La seule phrase qui retentit dans ma tête à chaque nouvelle journée qui démarre, telle une ritournelle entêtante, c’est pourvu que ce soit aujourd’hui. J’espère de toute mes forces, qu’une fois encore, une personne aura fait part de sa volonté de donner ou qu’une famille dans la douleur de l’inacceptable, dise Oui. Oui pour que je puisse encore compter des tas de jours, Oui pour que je puisse me marier. Oui pour que je puisse juste continuer à rire, manger, faire l’andouille, colorier, voir des spectacles, danser ou même juste respirer. J’aime tellement la vie et j’ai encore des tas de choses à faire.
Nous sommes des milliers à attendre chaque année. Demain, ça pourrait être VOUS, un parent, un frère, votre enfant… Non, ça n’arrive pas qu’aux autres !
Laurie, Juin 2016
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